Insee Analyses NormandieEn 50 ans, de profondes mutations sociales et démographiques dans les quartiers de la ville de Caen

Claude Boniou, Camille Hurard (Insee)

En 2015, la population de la ville de Caen, après avoir atteint son point culminant au milieu des années 1970, est d’environ 106 000 habitants. La ville s’est principalement développée dans les quartiers périphériques autrefois peu urbanisés (La Folie-couvrechef, La Pierre Heuzé, Bas venoix-Prairie) tandis que la population baissait dans ceux du centre historique (Centre ancien, Saint Jean) et dans les quartiers les plus populaires. À Caen, comme ailleurs en France, la ville subit de profondes mutations : périurbanisation, vieillissement de la population, amélioration du niveau d’études et des qualifications. En près de 50 ans, l’âge moyen des caennais a rapidement augmenté, particulièrement dans le quartier du Bas venoix-Prairie. Par ailleurs, le Centre ancien a profité du développement de l’université toute proche pour attirer des étudiants au détriment des familles. Cumulés, ces deux facteurs ont contribué à réduire la taille des ménages caennais. Enfin, la composition sociale de la ville et de ses quartiers a elle aussi évolué. Autrefois largement représentée, la population ouvrière diminue progressivement au profit des cadres.

Insee Analyses Normandie
No 72
Paru le :Paru le13/12/2019
Claude Boniou, Camille Hurard (Insee)
Insee Analyses Normandie No 72- Décembre 2019

En 2015, un peu plus de 106 000 personnes habitent à Caen, soit presque autant qu’en 1968 (figure 1). Le pic de population de la ville se situe dans les années 1970, à hauteur de 120 000 habitants. C’est à cette période qu’ont pris fin les effets du baby-boom et de l’exode rural des campagnes vers la grande ville industrialisée.

Entre les recensements de 1968 et 1975, la population de la ville de Caen a crû de plus de 12 000 habitants, à un rythme soutenu de + 1,6 % par an. Depuis les années 1980, c’est un processus inverse de périurbanisation qui est généralement à l’œuvre en France : les villes-centres tendent à perdre des habitants au profit de communes plus éloignées. La population de Caen se met alors à diminuer lentement. L’émergence du quartier (définitions) de la Folie-couvrechef dans les années 1980 et 1990 tend cependant à compenser ce processus et la population caennaise se stabilise autour de 114 000 habitants durant ces deux décennies. À partir des années 2000, la population diminue de nouveau.

Figure 1La croissance différenciée des quartiers recompose le peuplement de la villePopulation par quartier de la ville de Caen en 1968 et 2015

La croissance différenciée des quartiers recompose le peuplement de la ville
1968 1975 1982 1990 1999 2010 2015
Caen 108 200 120 375 114 212 112 890 114 079 108 973 106 237
Centre ancien 6 684 5 525 4 028 4 660 5 208 5 462 5 000
Saint-Jean 8 352 7 440 6 128 5 740 5 484 5 635 5 436
Vaucelles 8 040 8 010 6 908 6 556 6 356 6 512 5 519
Bas venoix - Prairie 824 1 315 1 672 1 628 1 540 1 487 1 463
Saint-Ouen 4 280 4 690 3 836 4 016 3 688 3 567 3 833
La Haie Vigné 3 704 3 895 3 224 3 336 3 540 3 307 2 981
Venoix - La Maladrerie - Saint-Paul 11 644 13 085 12 572 12 276 12 976 13 640 13 963
Chemin Vert 5 556 12 480 11 176 9 884 8 840 7 615 7 618
Verte vallée 2 012 2 475 2 244 2 164 2 208 1 970 2 026
Hastings 5 496 5 300 5 080 5 200 5 244 4 748 4 617
Université 4 736 4 545 3 984 4 252 4 304 4 236 3 912
Calvaire Saint-Pierre 3 992 4 015 3 500 3 600 3 429 2 810 3 077
La Pierre Heuzé 4 160 8 240 8 608 8 228 8 450 8 283 6 765
Saint-Gilles 7 048 7 320 7 876 7 860 7 844 7 954 7 824
Le Port 1 284 1 210 1 416 1 604 1 708 1 603 2 073
Sainte-Thérèse - Demi-lune 9 836 9 885 9 124 8 608 8 396 8 604 8 764
La Guérinière 9 472 8 835 7 964 7 404 6 152 5 081 5 001
La Grâce de Dieu 10 036 10 330 9 248 8 744 8 464 6 797 6 538
La Folie-couvrechef 1 044 1 780 5 624 7 130 10 248 9 664 9 827
  • Source : Insee, Saphir (RP 1968 à 2015)

Figure 1La croissance différenciée des quartiers recompose le peuplement de la villePopulation par quartier de la ville de Caen en 1968 et 2015

  • Source : Insee, Saphir (RP 1968 à 2015)

Encadré - L’essor démographique des quartiers périphériques compense le recul du centre-ville historique

Depuis près d’un demi-siècle, l’histoire de l’urbanisation de la ville fait apparaître une recomposition significative de la répartition de la population entre les quartiers. De façon schématique, l’essor des quartiers d’urbanisation récente compense les fortes baisses démographiques du centre-ville historique et des quartiers populaires (figure 1). En effet, quatre quartiers se détachent nettement par leur croissance en nombre d’habitants, supérieure à 2 000 unités dans chaque cas : La Folie-couvrechef, La Pierre Heuzé, Venoix-La Maladredie-Saint-Paul et Chemin Vert. Ils sont, à l’origine, des quartiers périphériques peu denses, parfois même ruraux comme La Folie-couvrechef et Venoix-La Maladredie-Saint-Paul. Dans ces derniers, l’urbanisation repose maintenant beaucoup sur l’habitat pavillonnaire. Globalement, ils représentent près de 16 000 habitants supplémentaires entre 1968 et 2015, dont près de 9 000 pour la seule Folie-couvrechef. À l’opposé, les trois quartiers du centre-ville historique, Centre ancien, Saint-Jean et Vaucelles, ont perdu à eux trois plus de 7 000 habitants. Deux autres quartiers ont connu une déprise importante sur longue période, La Guérinière et La Grâce de Dieu (- 8 000 habitants). Ils constituent des quartiers populaires de longue date et ont à ce titre connu d’importantes opérations de renouvellement urbain. Les autres quartiers de la ville ressortent avec un impact démographique plus limité (moins d’un millier d’habitants, en évolution positive ou négative).

Une population de plus en plus âgée, des ménages de plus en plus petits

Deux phénomènes connexes importants ont accompagné cette baisse de population : le vieillissement de la population et la réduction de la taille des ménages. En presque 50 ans, l’âge moyen des Caennais est passé de 31,0 ans à 38,7 ans (figure 2 ), et la proportion de personnes âgées de 75 ans ou plus a plus que triplé (3,1 % en 1968 et 9,8 % en 2015). Le vieillissement résulte de l’allongement de l’espérance de vie des habitants restés sur place, mais pas seulement. L’offre de services ainsi que des logements plus adaptés aux seniors facilitent également l’installation de ménages plus âgés tandis que les familles avec enfants privilégient l’installation dans les communes périphériques.

Figure 2La part des 75 ans ou plus a plus que triplé entre 1968 et 2015Principales évolutions des caractéristiques démographiques des Caennais

La part des 75 ans ou plus a plus que triplé entre 1968 et 2015
Caen 1968 2015
Âge moyen 31,0 38,7
Taille moyenne des ménages 3,1 1,7
Part de ménages composés d’une seule personne (en %) 21,0 55,7
Part d’étudiants (en %) 9,3 14,7
Part des 75 ans ou plus (en %) 3,1 9,8
  • Source : Insee, Saphir (RP 1968 à 2015)

Ainsi, la taille des ménages caennais a diminué régulièrement depuis 1968 : de 3,1 personnes par ménage à la fin des années 1960, elle est descendue à 1,7 en 2015. L’âge de la population progressant, l’installation plus fréquente d’étudiants ainsi que l’augmentation des divorces et séparations sont autant d’éléments expliquant ce phénomène de décohabitation.

Ces grandes dynamiques démographiques (baby-boom et exode rural, puis périurbanisation) sont aussi à l’œuvre au niveau des quartiers, mais bien d’autres facteurs interviennent sur leur niveau de population (ancienneté, densité d’habitat, fonction sociale, rénovation urbaine, etc.). C’est pourquoi les profils d’évolution de la population sur longue période diffèrent, parfois beaucoup, d’un quartier à l’autre.

La population des quartiers du Chemin Vert et de La Pierre Heuzé double dans les années 1970

Parmi les 19 quartiers de la ville, cinq se caractérisent par une forte croissance démographique. Dans les quartiers du Chemin Vert et de La Pierre Heuzé, situés en périphérie du centre historique de Caen, le nombre d’habitants double entre 1968 et 1975, pour décroître plus ou moins lentement par la suite (figure 3). Ces quartiers abritent des grands ensembles dont la construction s’est achevée au milieu des années 1970, et destinés à faire face à l’afflux de main d’œuvre rurale engendrée par l’expansion industrielle en marche depuis le début des années 1950. Ils ont accueilli principalement des familles avec enfants. En 1975, le quartier du Chemin-Vert était constitué au deux tiers de couples avec enfants et celui de La Pierre Heuzé pour moitié. Le quartier du Bas venoix-Prairie connaît lui aussi une croissance forte durant les années 1970. Sa population double entre 1968 et 1982. Pour autant, il se caractérise encore par de vastes espaces non construits et compte parmi les quartiers les moins peuplés de Caen (1 500 habitants en 2015).

Figure 3Un essor démographique très important dans les quartiers périphériquesQuartiers connaissant les croissances démographiques les plus fortes entre 1968 et 2015 (en %)

(Indice base 100 en 1968 ; en 1982 pour le quartier de la Folie-couvrechef)
Un essor démographique très important dans les quartiers périphériques ((Indice base 100 en 1968 ; en 1982 pour le quartier de la Folie-couvrechef))
Caen Bas venoix - Prairie Chemin Vert La Pierre Heuzé Le Port La Folie-couvrechef (base 100 1982)
1968 100 100 100 100 100
1975 111 160 225 198 94
1982 106 203 201 207 110 100
1990 104 198 178 198 125 127
1999 105 187 159 203 133 182
2010 101 180 137 199 125 172
2015 98 178 137 163 161 175
  • Source : Insee, Saphir (RP 1968 à 2015)

Figure 3Un essor démographique très important dans les quartiers périphériquesQuartiers connaissant les croissances démographiques les plus fortes entre 1968 et 2015 (en %)

  • Source : Insee, Saphir (RP 1968 à 2015)

À l’est, dans le quartier du Port, l’un des moins peuplés également, la population a augmenté sur le long terme : sa population passe de 1 300 habitants en 1968 à 2 000 en 2015. Cette croissance s’effectue en deux temps. D’abord entre 1975 et 1999, la population du quartier croît de manière régulière puis, entre 2010 et 2015, elle croît de façon plus significative passant de 1 600 à 2 000 habitants. Ce regain récent fait suite à la construction du quartier « Les Rives de l’Orne » et devrait se poursuivre avec le développement urbain de la presqu’île de Caen engagé ces dernières années.

Au nord de Caen, le quartier de la Folie-couvrechef s’est beaucoup développé. Composé essentiellement de terres agricoles jusqu’au début des années 1970, le quartier connaît un essor démographique très important au cours des deux décennies suivantes. Peuplé de 5 600 habitants en 1982, il dépasse les 10 000 habitants en 1999. Cet essor est lié à la décision de création d’une Zone d’Aménagement Concerté en 1976. Après 1999, la population du quartier diminue légèrement puis remonte entre 2010 et 2015. La composition des ménages a fortement évolué au fil du temps, les jeunes familles avec enfants, majoritaires en 1982 (57 % des ménages), ont été progressivement remplacées par des personnes seules (54 % des ménages en 2015), et notamment des étudiants, en lien avec le développement du deuxième campus universitaire au nord de la ville. En 1982, un habitant sur dix du quartier était un étudiant contre un sur cinq en 2015.

Le Centre ancien et Saint-Jean sont en forte décroissance jusqu’au début des années 1980

Dans une tendance inverse, six quartiers caennais ont perdu une part importante de leur population. Les quartiers du centre-ville historique (Centre ancien, Saint-Jean, Vaucelles) sont en déclin démographique marqué (figure 4). Moins touché par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale que les quartiers Saint-Jean et Vaucelles, le Centre ancien a été moins concerné par la Reconstruction. Jusqu’au début des années 1980, le déclin démographique (6 700 habitants en 1968, 4 000 en 1982 soit une baisse de 40 %) est surtout lié à la décohabitation : 27 % des ménages du quartier sont composés d’un couple avec enfant en 1968, ils ne sont plus que 10 % en 1982. À partir des années 1980, une reprise s’amorce. Elle s’appuie sur une augmentation du nombre de logements et l’apport massif d’étudiants venus résider à proximité de l’université. Cette reprise s’essouffle sur la période récente puisque le quartier perd à nouveau des habitants entre 2010 et 2015 (- 460). Dans les quartiers Saint-Jean et Vaucelles, l’érosion démographique est importante entre 1968 et 1982 (respectivement - 2 200 et - 1 100 habitants) puis elle s’atténue avec même un léger rebond entre 1999 et 2010. Cela s’explique par la quasi-absence de construction de nouveaux logements depuis la fin de la Reconstruction dans les années 1950-1960. Comme pour le Centre ancien, la décohabitation fait baisser le nombre d’habitants de ces quartiers.

Figure 4La population du quartier de La Guérinière divisée par deux entre 1968 et 1982Les quartiers en déprise démographique intense entre 1968 et 2015 (en %)

(Indice base 100 en 1968)
La population du quartier de La Guérinière divisée par deux entre 1968 et 1982 ((Indice base 100 en 1968))
Caen Centre ancien Saint-Jean Vaucelles Calvaire Saint-Pierre La Guérinière La Grâce de Dieu
1968 100 100 100 100 100 100 100
1975 111 83 89 100 101 93 103
1982 106 60 73 86 88 84 92
1990 104 70 69 82 90 78 87
1999 105 78 66 79 86 65 84
2010 101 82 67 81 70 54 68
2015 98 75 65 69 77 53 65
  • Source : Insee, Saphir (RP 1968 à 2015)

Figure 4La population du quartier de La Guérinière divisée par deux entre 1968 et 1982Les quartiers en déprise démographique intense entre 1968 et 2015 (en %)

  • Source : Insee, Saphir (RP 1968 à 2015)

Le déclin démographique touche aussi des quartiers plus populaires dont l’habitat est composé de grands ensembles. Le quartier de la Guérinière, au sud, n’a été officiellement rattaché à la ville de Caen qu’en 1951. Ce quartier a subi de grandes transformations liées aux politiques publiques de construction de grands ensembles pour reloger les populations. La construction s’est achevée au début des années soixante et depuis, la population du quartier baisse régulièrement au point d’être divisée par deux en près de 50 ans (9 500 habitants en 1968, 5 000 en 2015). Au départ, l’habitat de type social de ce quartier abritait majoritairement des familles avec enfants (56 % des ménages en 1968 contre 14 % en 2015). Aujourd’hui, la monoparentalité est devenue la forme caractéristique de cellule familiale. En 2015, la monoparentalité représente un ménage sur cinq et les couples avec enfants un sur sept. Proche géographiquement et socialement, le quartier de la Grâce de Dieu subit lui aussi une baisse démographique importante entre 1968 et 2015. Plus au nord, le quartier du Calvaire Saint-Pierre est également touché (4 000 habitants en 1968, 3 100 en 2015) même si la croissance démographique semble repartir récemment (+ 270 habitants entre 2010 et 2015).

Le quartier du Venoix- La Maladrerie-Saint-Paul en expansion depuis les années 1990

Dans les autres quartiers de la ville, les évolutions sont moins marquantes (figure 5). On distingue toutefois deux groupes.

Dans le premier, composé des quartiers Venoix- La Maladrerie-Saint-Paul, Verte vallée et Saint-Gilles, la population augmente sur la période 1968-2015. À l’ouest, dans le quartier Venoix- La Maladrerie-Saint-Paul, l’évolution de la population est impactée par la création du quartier « Beaulieu » autour du stade d’Ornano inauguré au début des années 1990. C’est ainsi que la population augmente régulièrement depuis 1990 après avoir amorcé une baisse au milieu des années 1970. La population du quartier de la Verte vallée, au nord de Caen, croît assez nettement jusqu’en 1975 (+ 23 % ; + 460 habitants). Elle décroît par la suite malgré quelques rebonds (1990-1999 et 2010-2015) pour revenir à son niveau de 1968. Enfin, à l’est, dans le quartier Saint-Gilles, la croissance a exclusivement lieu sur la période 1968-1982. Sa population passe de 7 000 à 7 800 habitants puis se stabilise grâce notamment à l’apport d’étudiants.

Dans le second groupe, la population décline. Dans les quartiers voisins, de la Haie Vigné, d’Hastings et de l’Université, la baisse sur la période 1968-2015 est comprise entre - 16 % et - 20 %. Le regain de population entre 1982 et 1999 est principalement dû à l’essor de l’université. La population du quartier Saint-Ouen, tout proche, diminue moins nettement entre 1968 et 2010 (- 10 % ; - 450 habitants) et amorce même un redressement sur la période récente (+ 270 habitants entre 2010 et 2015). Quant au quartier Sainte-Thérèse – Demi-lune, au sud-est de Caen, sa population chute jusqu’en 1999 (- 15 % ; - 1 400 habitants) mais augmente de nouveau ensuite. Quartier d’habitat pavillonnaire, il résiste mieux aux effets de la décohabitation (39 % de couples avec ou sans enfant contre 31 % dans l’ensemble de la ville de Caen).

Figure 5Le quartier de La Haie Vigné en déprise démographiqueLes quartiers aux évolutions démographiques les moins marquées (en %)

(Indice base 100 en 1968)
Le quartier de La Haie Vigné en déprise démographique ((Indice base 100 en 1968))
Caen Saint-Ouen La Haie Vigné Venoix - La Maladrerie - Saint-Paul Verte vallée Hastings Université Saint-Gilles Sainte-Thérèse - Demi-lune
1968 100 100 100 100 100 100 100 100 100
1975 111 110 105 112 123 96 96 104 100
1982 106 90 87 108 112 92 84 112 93
1990 104 94 90 105 108 95 90 112 88
1999 105 86 96 111 110 95 91 111 85
2010 101 83 89 117 98 86 89 113 87
2015 98 90 80 120 101 84 83 111 89
  • Source : Insee, Saphir (RP 1968 à 2015)

Figure 5Le quartier de La Haie Vigné en déprise démographiqueLes quartiers aux évolutions démographiques les moins marquées (en %)

  • Source : Insee, Saphir (RP 1968 à 2015)

Il reste une forte implantation ouvrière dans les quartiers nord et sud-est de Caen

Depuis la fin des années 1960, la composition sociale de la ville de Caen a considérablement changé. Elle fait écho aux grandes transformations économiques et sociales : développement des emplois qualifiés et du tertiaire, généralisation du travail féminin, accroissement du nombre d’étudiants, etc.

Sur la période 1968-2015, le nombre de cadres résidant à Caen a bondi de près de 150 % pour atteindre 9 800 en 2015, soit un quart de la population active en emploi. À l’inverse, le nombre d’ouvriers est divisé par 2,3 en près de 50 ans, pour s’établir à 5 600 en 2015. Plus précisément, le nombre d’ouvriers est à son apogée au milieu des années 1970 et ne cesse de décroître ensuite, quand le nombre de cadres est en croissance régulière depuis la fin des années 1960.

En 1968, à l’exception du quartier Saint-Jean, en centre-ville, la part d’ouvriers était plus importante que celle des cadres dans tous les quartiers de la ville. En 2015, la proportion d’ouvriers reste supérieure à celle des cadres dans seulement quatre quartiers : Chemin vert, Calvaire Saint-Pierre, La Guérinière et La Grâce de Dieu. Dans tous ces quartiers, l’implantation ouvrière était déjà remarquable en 1968 et ne s’est pas démentie par la suite (figure 6). Ils se distinguent également par la présence d’un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV). Le clivage entre les quartiers du centre qui abritent une population plus privilégiée et les faubourgs du nord et du sud-est à composition sociale plus défavorisée subsiste. Il existait déjà à la fin des années 1960.

Figure 6Une présence plus forte des ouvriers au pourtour de la villeProportion d’ouvriers par quartier en 1968 et 2015 (en %)

Une présence plus forte des ouvriers au pourtour de la ville
1968 2015
Caen 30,6 14,4
Centre ancien 23,5 5,8
Saint-Jean 11,8 7,2
Vaucelles 26,9 13,4
Bas venoix - Prairie 23,5 6,3
Saint-Ouen 20,6 10,8
La Haie Vigné 28,3 8,9
Venoix - La Maladrerie - Saint-Paul 37,3 11,6
Chemin Vert 41,1 30,0
Verte vallée 26,5 8,0
Hastings 24,1 7,1
Université 21,2 7,8
Calvaire Saint-Pierre 40,3 21,3
La Pierre Heuzé 23,7 19,3
Saint-Gilles 28,8 13,1
Le Port 22,1 7,6
Sainte-Thérèse - Demi-lune 35,0 16,6
La Guérinière 46,3 40,5
La Grâce de Dieu 40,4 25,6
La Folie-couvrechef 43,9 14,3
  • Champ : ménages dont le référent est actif et en emploi
  • Source : Insee, Saphir (RP 1968 à 2015)

Figure 6Une présence plus forte des ouvriers au pourtour de la villeProportion d’ouvriers par quartier en 1968 et 2015 (en %)

  • Champ : ménages dont le référent est actif et en emploi
  • Source : Insee, Saphir (RP 1968 à 2015)

Le nombre de personnes seules a considérablement augmenté en près de 50 ans

En 2015, 32 100 ménages ne sont constitués que d’une seule personne à Caen soit 4,7 fois plus qu’en 1968. Surtout, ce type de ménage est désormais majoritaire dans la ville (56 % en 2015 contre 21 % en 1968). Parmi les quartiers de Caen, les hausses les plus importantes du poids des ménages d’une seule personne proviennent de ceux dont la population était et reste plutôt jeune. On peut citer les quartiers du Chemin Vert et de la Verte vallée au nord-ouest et du Bas venoix-Prairie au sud-ouest. Cet accroissement sensible de personnes seules dans ces quartiers est concomitant à celui de la population âgée de 75 ans ou plus. Dans le quartier du Bas venoix-Prairie notamment, la population de cette classe d’âge a été multipliée par 21. Le vieillissement de la population n’est pas le seul phénomène expliquant la hausse des ménages d’une seule personne. Dans les quartiers du Centre ancien et de Saint-Gilles par exemple, la part des seniors augmente mais plus faiblement (6,0 % de la population en 1968 à Saint-Gilles contre 7,3 % en 2015). C’est l’installation massive d’étudiants, principalement durant les années 1980 et 1990, qui explique ce phénomène. Celle-ci s’est faite au détriment des familles. À Saint-Gilles, la proportion d’étudiants a été multipliée par 3 en presque 50 ans, passant de 7,2 % à 21,5 %, tandis que la part des couples avec enfants a été divisée par cinq (6,4 % contre 32,9 %).

Sources

Les résultats sont issus de l’exploitation historique des recensements de la population. La base Saphir (Système d’analyse de la population par l’historique des recensements) est un fichier de données harmonisées des recensements réalisés entre 1968 et 2015, permettant leur comparaison ainsi que des analyses sur des longues périodes.

Cette source a fait l’objet d’un traitement spécifique permettant d’exploiter les données à un niveau infra-communal. Les quartiers de la ville de Caen ont ainsi été reconstitués à partir des îlots du recensement de chaque millésime. En partant de la liste et des plans d’époque des îlots, il a été possible de construire une table de correspondance entre chaque îlot de chaque millésime et le dernier IRIS issu du recensement en cours. Dans la présente étude, les quartiers de Venoix et de La Maladrerie-Saint-Paul ont dû être regroupés pour des raisons techniques.

Pour en savoir plus

Massif J-B. « Les quartiers caennais à l’aune de la profession de leurs habitants », E pour cent n°7, avril 2008

Granier C., « Une croissance démographique modérée dans le Calvados, inégalement répartie sur le territoire », Insee Flash Normandie n°77,décembre 2018

Brunet L., Bigot I., Boniou C., Charles A., Dardaillon B., Follin J., Le Graët A., Letournel J., Louza T., Moisan M., Mounchit N., Mura B., Poupet C., « La Normandie et ses territoires », Insee Dossier Normandie n° 11, mai 2018